Plus puissante que jamais, bénéficiant d’une impunité totale, l’agence européenne de surveillance des frontières change de nom et se voit reconnaître un mandat renforcé. L’Union européenne a fait le choix d’augmenter les moyens dédiés à l’expulsion, au contrôle, et aux activités de coopération hors de son territoire, au mépris des droits des migrants et des réfugiés.
En modifiant le mandat de Frontex, rebaptisée « corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes », pour en renforcer les moyens d’actions, l’Union européenne (UE) ne répond en rien aux problèmes mis en évidence par le contexte migratoire européen des deux dernières années.
Alors que le nombre de morts et de disparus – dont une proportion importante de personnes en besoin de protection – ne cesse d’augmenter aux frontières de l’Europe[1], Frontex pourra désormais se déployer plus rapidement aux frontières extérieures de l’UE pour barrer la route à ceux qui tentent de les franchir. Cela ne fera qu’augmenter la dangerosité des voyages.
Au mépris des décisions de la Cour européenne des Droits de l’Homme et du principe de non-refoulement, l’agence a la possibilité de débarquer des personnes qu’elle intercepte dans un port désigné comme « sûr », y compris dans des pays non européens.
Enfin, elle voit s’accroître sa capacité de coopération (opérations, échanges d’informations), sans contrôle du Parlement européen, avec un nombre croissant de pays, dont certains bafouent de façon notoire les droits de l’Homme[2].
Ce ne sont pas seulement les moyens de l’agence qui sont aujourd’hui renforcés. Le nouveau mandat perpétue aussi une dilution des responsabilités entre les Etats membres et l’agence, qui a pour conséquence l’impunité de cette dernière. Mise en cause fin août 2016 pour un usage excessif et quasi systématique de la force (y compris par armes à feu) durant ses interventions en mer Egée, Frontex nie toute responsabilité, et s’en défausse sur les autorités grecques[3]. À l’issue d’une enquête menée au niveau national, les garde-côtes grecs n’ont finalement pas été condamnés.
Le mécanisme de plainte, réclamé depuis 2012 par la médiatrice européenne et instauré par le nouveau mandat, est bien insuffisant pour rendre l’agence et/ou ses employés responsable(s) de ses agissements devant une juridiction indépendante. Les victimes des opérations de l’agence ne seront toujours pas en situation d’obtenir des réparations.
Pourtant, l’agence continuera de porter atteinte à de nombreux droits[4] : au premier chef, celui de quitter tout pays y compris le sien, mais aussi celui de demander l’asile et de ne pas être refoulé, sans oublier le droit à la protection des données personnelles et le droit à un recours effectif.
Si l’aval du mandat renforcé par le Conseil de l’UE était prévisible, sa validation par le Parlement Européen laisse un goût amer. L’Assemblée Parlementaire entérine l’absence cruciale de contrôle démocratique sur bon nombre d’opérations de Frontex, en particulier celles organisées hors du territoire de l’UE.
L’agence Frontex est le symbole et le bras agissant des politiques européennes de verrouillage des frontières. C’est pourquoi les organisations membres de la campagne Frontexit demandent sa suppression afin d’envisager enfin une politique respectueuse des droits fondamentaux, notamment du « droit de quitter tout pays y compris le sien ».
L’Europe est en guerre contre un ennemi qu’elle s’invente
www.frontexit.org
[1] Les estimations du nombre de morts et disparus dépassent déjà, en septembre 2016, le nombre atteint en 2015, considérée comme une année record (voir les dernières estimations par l’Organisation Internationale pour la Migration / Missing Migrants Project)
[2] Frontex a signé 19 accords de coopération extérieure à ce jour. Pour en savoir plus sur la nature de son déploiement hors Europe, voir la carte : « Les 10 cadeaux empoisonnés de Frontex »