AMNESTY INTERNATIONAL
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
AILRC-FR
7 juin 2017
Maroc. Des réfugiés syriens piégés à la frontière avec l’Algérie ont besoin d’aide de toute urgence
Les autorités marocaines bafouent leurs obligations internationales en matière de protection des réfugiés en bloquant un groupe de 25 réfugiés syriens dans une zone désertique à la frontière entre le Maroc et l’Algérie et en les privant de la possibilité de demander l’asile et de recevoir une aide humanitaire d’urgence, a déclaré Amnesty International.
Ces Syriens, parmi lesquels figurent 10 enfants, sont bloqués depuis deux mois dans une zone tampon située sur le territoire marocain, à un kilomètre de l’oasis de Figuig, au Maroc, et à cinq kilomètres de Béni Ounif, en Algérie. Ils ont jusqu’à présent survécu grâce à l’aide et aux denrées fournies de manière informelle par des habitants de Figuig, avec l’aide de la police des frontières marocaine, mais cette aide s’est interrompue le vendredi 2 juin 2017 au matin, selon les réfugiés. La police des frontières marocaine n’a pour l’instant autorisé aucun groupe marocain de défense des droits humains ni aucune organisation humanitaire, y compris le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), à se rendre sur place.
« En refusant aux réfugiés syriens la possibilité d’entrer en contact avec le HCR, les autorités marocaines bafouent leurs obligations internationales. Ces personnes ont fui des massacres et des bombardements en Syrie et sont venues chercher la sécurité dans un autre pays ; les autorités marocaines doivent leur accorder le droit de demander l’asile », a déclaré Heba Morayef, directrice des recherches pour l’Afrique du Nord à Amnesty International.
Dans une déclaration en date du 30 mai 2017, le HCR s’est dit profondément préoccupé par la « détérioration rapide des conditions pour ce groupe de réfugiés syriens vulnérables », appelant les gouvernements marocain et algérien à leur permettre de passer la frontière en toute sécurité.
Le gouvernement marocain a jusqu’à présent soutenu que ces réfugiés ne se trouvaient pas sur son territoire. Amnesty International a examiné les données cartographiques et les images satellites publiquement disponibles, et a confirmé à partir des données GPS qu’ils se trouvaient bien en territoire marocain.
Le HCR n’est pas présent dans cette zone frontalière et n’est autorisé à enregistrer directement les demandeurs d’asile que dans un seul bureau situé à Rabat, la capitale du Maroc. Dans d’autres régions du pays, les réfugiés peuvent aussi se faire enregistrer auprès de quelques partenaires locaux, mais aucun de ces partenaires n’est présent dans cette zone frontalière.
Deux des Syriens bloqués souffrent d’hypertension et un autre d’une maladie rénale, mais les autorités marocaines ne leur ont offert aucun soin et ne leur ont pas permis de rencontrer les médecins qui accompagnaient les organisations marocaines de défense des droits humains qui ont tenté de se rendre sur place. Les réfugiés dorment dans des abris de fortune, qui ne les protègent guère des insolations dans une région où les températures peuvent atteindre 45 degrés, ni de la menace des attaques de serpents.
Le groupe a d’abord gagné le Soudan depuis le Liban, puis a atteint la zone frontalière en passant par la Libye et l’Algérie. Les réfugiés ont tenté une première fois le 17 avril d’atteindre la ville marocaine la plus proche, Figuig, mais ils ont été repoussés dans la zone tampon par les forces de sécurité marocaines.
Le 22 avril, les autorités marocaines ont publiquement accusé l’Algérie d’avoir forcé un groupe de Syriens à passer la frontière vers le Maroc. Le lendemain, les autorités algériennes ont reproché au Maroc d’avoir expulsé ce même groupe sur le territoire algérien.
Dix membres du groupe qui avaient réussi à atteindre le centre-ville de Figuig dans l’espoir d’y demander l’asile ont été arrêtés par les autorités locales et la police des frontières marocaine et ont été renvoyés de force dans la zone frontalière le 5 juin.
« Au lieu de renvoyer de force les réfugiés syriens dans une zone tampon aride et désertique, où leurs conditions de vie se dégradent, les autorités marocaines doivent de toute urgence leur apporter une aide humanitaire et autoriser les organisations humanitaires à se rendre sur place pour évaluer leurs besoins. Rien ne saurait justifier que l’on prive des réfugiés de l’accès à la nourriture et à l’eau », a déclaré Heba Morayef.
Le 2 juin, les autorités algériennes ont annoncé qu’elles allaient accueillir les réfugiés syriens à titre humanitaire, autoriser le HCR à les aider et faciliter le regroupement familial pour ceux qui ont de la famille installée légalement dans des pays d’Europe. Cependant, les réfugiés ont peur d’aller en Algérie et veulent se faire enregistrer auprès du HCR au Maroc car quatre d’entre eux ont de la famille dans ce pays et souhaitent s’y installer. Les 21 autres espèrent au final demander un regroupement familial en Suède, en Belgique ou en Allemagne, où ils ont de la famille proche.
Le 5 juin, une délégation algérienne composée de représentants du Croissant-Rouge algérien, de l’antenne algérienne du HCR et des autorités locales de la wilaya (préfecture) de Béchar s’est rendue dans la zone frontalière à proximité de Béni Ounif pour tenter d’apporter une aide humanitaire aux réfugiés. Les membres de la délégation sont restés du côté algérien de la frontière et ont appelé les réfugiés à venir en Algérie, leur expliquant qu’ils pourraient s’y faire enregistrer. Cependant, le groupe a choisi de rester du côté marocain de la frontière.
Les autorités marocaines ne doivent pas mettre en danger la vie des réfugiés en les laissant piégés à la frontière dans des conditions difficiles et sans aide humanitaire. Elles doivent immédiatement leur permettre d’entrer dans le pays et d’exercer leur droit de demander l’asile auprès du bureau compétent du HCR au Maroc.
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