Par Maxime Combes,
Le Forum Social Mondial s’ouvre ce mardi 26 mars à Tunis. C’est un véritable défi pour toute la société civile tunisienne. Et un évènement extraordinaire : qui aurait pu penser il y a douze ans que la Tunisie allait accueillir le 10ème Forum Social Mondial ?
C’est avec une assemblée des Femmes et une manifestation pour la dignité qui partira de la très symbolique place du 14 janvier1 que le Forum Social Mondial 2013 s’ouvre ce mardi 26 janvier. Plus de 30 000 participants et 4500 organisations, provenant de 127 pays des 5 continents de la planète, sont attendus pour participer aux quelques 1000 ateliers, 70 concerts, 100 projections de films, 50 expositions… Les différentes campagnes contre les politiques menées par les Institutions Financières Internationales, pour l’annulation de la dette, pour les droits économiques sociaux et culturels, contre la guerre et pour la paix, pour la justice climatique2, etc… seront naturellement présentes lors de ce Forum Social Mondial.
Mais comme le Forum Social Mondial de Belem (Brésil – 2009) avait été marqué par les apports des populations indigènes d’Amazonie et celui de Dakar (Sénégal – 2011) par les résistances en Afrique de l’Ouest, ce Forum social mondial à Tunis va prendre une tonalité toute particulière, à peine deux ans après la révolution et le printemps arabe qui ont secoué toute la région. A Dakar, nous avions appris la chute de Hosni Moubarak en plein Forum, lors de l’Assemblée des Mouvements Sociaux, dans un amphithéâtre en ébullition réunissant 2 500 personnes. Dès lors, que la Tunisie et la région du Maghreb-Machrek accueillent le Forum Social Mondial peut apparaître aujourd’hui comme une évidence. Mais il n’y avait rien d’évident.
L’organisation d’un tel Forum3, capable d’accueillir des dizaines de milliers de personnes reste un véritable défi. Un défi technique, mais également un défi politique. Il a fallu impliquer la très grande majorité de la société civile tunisienne et de la région du Maghreb-Machrek dans le processus de préparation d’un tel forum. C’est le fruit de plusieurs années de travail notamment mené à travers les différentes sessions du Forum Social Maghreb Machrek. Être en mesure de réunir la diversité des questions et exigences soulevées par les mouvements sociaux et citoyens de la Tunisie et de la région du Maghreb Machrek est un art difficile. L’importance des contradictions et débats qui animent ces mouvements sociaux, la profondeur des conflits qui traversent la région et les défis auxquels sont confrontés les fragiles révolutions de la région auraient pu empêcher la tenue du Forum. Le seul fait qu’il se tienne est d’ores-et-déjà un immense succès.
Cette édition du Forum social mondial, dans un tout petit pays d’à peine 10 millions d’habitants, confetti de la géopolitique mondiale coincé entre une Algérie non démocratique et une Libye saccagée, marquera l’histoire du mouvement altermondialiste. Comme à chaque édition du FSM, de nouvelles régions, de nouveaux groupes et de nouvelles personnes vont découvrir et s’impliquer dans un processus qui les dépasse tou-te-s. Construire des synergies entre les jeunes, fortement impliqués dans les mouvements révolutionnaires, et les organisations de la société civile préexistantes à la révolution est un enjeu clef. Comme l’est celui d’impliquer les nouveaux mouvements, tels que les groupes Occupy ou Indignados dans le processus des Forums. Le tout pour que les Forums perdurent comme un des creusets majeurs pour de nouvelles générations de militants.
A travers ce forum à Tunis, de nouvelles préoccupations vont émerger, directement liées à la région Méditerranée et à la place spécifique qu’elle occupe dans ce que certains appellent l’arc des conflits. Face aux accords de libre-échange que l’Union européenne veut mettre en oeuvre à marche forcée avec ces pays, il sera question de faire émerger un projet méditerranéen alternatif fruit des propositions des mouvements sociaux et citoyens du pourtour méditerranéen. Pour sûr, les débats autour de l’islam politique, des migrations internationales et régionales, des conflits en Palestine ou au Sahara occidental, du chômage des diplômés4, etc. connaîtront des avancées notables qui permettront de nourrir le processus des forums, du mouvement altermondialiste et des révolutions dans la région5.
Comme le précise Attac France dans son dernier communiqué, « la tenue de ce forum marque un tournant et témoigne de la nécessité d’une véritable rupture avec le modèle dominant ». Puisse-t-il en être une étape frusctueuse.
Maxime Combes, membre d’Attac France et de l’Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)
Twitter : @MaximCombes