Radios communautaires, réseaux sociaux, Web 2.0, liberté d’expression, logiciels libres, accès à l’information. Voici quelques-unes des thématiques qui seront à l’honneur de la 3ème édition du Forum Mondial des Médias Libres (FMML) qui aura lieu à Tunis dans le cadre du Forum Social Mondial, du 24 au 30 mars prochain.
Le FMML se veut un espace de dialogue et d’échanges d’expériences. Un espace pour élaborer de nouvelles formes communes d’engagement. Le Forum sera également l’occasion de rappeler qu’Internet, les réseaux sociaux, le web 2.0 en général restent des outils au service de l’information qui peut servir de levier pour l’action comme pour l’expérimentation.
Démocratisation de l’information
Dans un monde où la production d’information abonde, mais où l’accès à une information plurielle, critique et diversifiée est de plus en plus difficile, le FMML a été mis sur pied pour explorer des pistes et des alternatives qui garantissent aux citoyens le droit à la « communication par tous et pour tous ».
Une telle démocratisation de la communication est fondamentale, car nul projet de démocratie ne peut être crédible et pérenne sans elle. « Cela [projet de démocratie] passe avant tout par une appropriation, par chacune et chacun, des moyens d’information et de communication », explique Marion Bachelet du portail marocain d’information E-joussour.net
La marchandisation de l’information, des outils de sa production et de sa diffusion sont un grand obstacle à la démocratisation de la communication. La logique des grands groupes de médias et des logiciels propriétaires est la même – la rentabilité financière – et cela va à l’encontre à l’idée de la libre circulation des savoirs et de la connaissance.
L’accès à l’information peut apporter des solutions aux problématiques sociales, économiques et environnementales auxquelles nos sociétés sont confrontées. « Sans information, pas de mobilisation, pas de changements, pas de débats, pas de construction critique », affirme le journaliste Ivan du Roy du site d’information bastamag.net.
Réseaux libres
Les mouvements et les acteurs du changement social se servent de plus en plus du Web pour construire et diffuser leurs revendications. Depuis 2011, de nouvelles formes de mobilisation de la société civile et d’insurrection ont émergé, de façon souvent spontanée, plus horizontale et principalement portées par les jeunes générations (mouvements Occupy, Indignés, hacktivisme sur le web, printemps érable au Québec et mobilisations étudiantes au Chili, manifestations grecques, révolutions arabes). Le Web y a occupé une place essentielle, comme outil de mobilisation, mais aussi et surtout comme espace d’invention de nouvelles formes d’activisme. Mais les enjeux de cet espace virtuel demeurent de taille.
Selon Marco Antônio Konopacki du collectif brésilien Soylocoporti, « il faut rester vigilant ». Le modèle de gouvernance d’Internet rend les mouvements et acteurs sociaux dépendants des services des entreprises transnationales et des gouvernements. Ce sont surtout des entreprises transnationales qui contrôlent les outils d’échanges (logiciels) et les canaux sur lesquels « naviguent » les informations. Un des défis du FMML est de répondre à un besoin de protocoles et de réseaux libres.
Le Web a été conçu de forme horizontale, le nom de « toile » vient de l’idée de la non-centralisation. La bataille pour la diffusion des logiciels libres (des logiciels à code ouvert) est d’une grande importance pour garder intacts les principes fondateurs du Web. Dans la logique du logiciel libre, les utilisateurs ont la liberté d’exécuter, de copier, de distribuer, d’étudier, de modifier et d’améliorer le logiciel. Celui-ci est souvent gratuit et reste indispensable à la réduction de la fracture numérique, autre thématique abordée par les participants du FMML.
La fracture numérique est un des problèmes majeurs auquel les sociétés, surtout des pays du Sud, sont confrontés. Près de 70% de la population mondiale n’a pas accès à Internet. Utiliser un réseau numérique de qualité reste parfois le privilège d’une minorité des citoyens dans certaines zones du Nord. Dans les pays du Sud, l’accès aux nouvelles technologies demeure plus cher qu’au Nord à cause de l’accaparement de ces marchés par des entreprises multinationales.
Les radios communautaires
Un point fort de la troisième édition du FMML est l’organisation d’activités autour des radios communautaires qui restent des actrices incontournables du développement et de la démocratisation des sociétés, au Nord comme au Sud. Elles sont très développées dans les pays du Sud, surtout sur le continent africain. Grâce à cet outil, des populations plus vulnérables (jeunes, femmes, communautés rurales, etc.) peuvent produire et avoir accès à l’information. Les radios restent, de plus, des outils de communication moins chers et plus accessibles.
La radio communautaire est devenue un phénomène mondial, porté par la volonté de populations désireuses de faire entendre leur voix et de démocratiser leurs sociétés par l’exercice du droit à la communication. Depuis ses débuts dans les années 50, la radio communautaire est devenue le troisième outil de communication par importance dans 135 pays, parallèlement aux médias privés ou publics. Elle est également un projet de communication participative, qui ne répond pas à une logique de profit, mais qui exprime les besoins des collectivités géographiques. La radio communautaire est une expérience citoyenne. Elle concrétise le droit universel à la communication.
Soutenir les médias tunisiens
En décembre dernier, l’Association Mondiale des Radiodiffuseurs Communautaires (AMARC) a organisé une tournée dans toutes les régions de la Tunisie afin de rencontrer les radios à proximité et les organisations de la société civile. L’objectif de la mission était d’identifier les acteurs actuels et potentiels, leurs besoins professionnels et les capacités de mutualisation pour un plaidoyer permettant de renforcer l’impact des médias de proximité dans le processus démocratique tunisien.
Les enjeux du FMML seront également de faire émerger ces demandes et besoins auprès des acteurs de la société civile mondiale participants au Forum. Mais aussi de soutenir ces demandes et d’apporter des solutions aux organisations tunisiennes dans une démarche de solidarité internationale et pour la construction des sociétés plus justes et durables.
Erika Campelo, Ritimo (www.ritimo.org)
http://journal.alternatives.ca/spip.php?article7234