Mémorandum des associations de droits
humains, droits des femmes et coordinations des associations amazighes du Maroc et de la diaspora pour la mise en œuvre du statut officiel de la langue amazighe et des lois organiques y afférentes, adressé aux partis politiques, aux institutions gouvernementales, aux institutions nationales et aux groupes
parlementaires au Maroc
Préambule
Considérant
que les droits humains stipulés dans les conventions internationales sont un
socle de droits indivisibles et considérant en particulier celles qui se
réfèrent aux droits linguistiques et culturels qui sont étroitement, liés à la
personne humaine et à sa dignité ;
Considérant
le Titre II de la Constitution Marocaine, relatif aux libertés et aux droits
fondamentaux et aux dispositions de l’article 86 ;
Considérant
les missions dont nous nous acquittons en tant qu’organisations de la société
civile qui défendent les droits de tous les citoyens et citoyennes, qui nous
imposent la nécessité d’œuvrer en faveur du développement, de la démocratie,
des droits humains, de la garantie de la
dignité humaine et de l’accroissement des libertés, de leur protection et de
leur promotion :
Considérant
aussi l’accumulation des acquis en termes de valeurs d’égalité et de lutte
contre toutes les formes de discrimination dans les domaines ; culturel,
linguistique, social et politique dans notre société marocaine,
particulièrement les aspects lumineux de notre civilisation amazighe
authentique :
Considérant
les régressions enregistrées au niveau politique ces quatre dernières années à
l’encontre de l’amazighité ; comme il a été constaté dans certaines
institutions consultatives où les acteurs amazighes ne sont pas représentés,
ces mêmes institutions ne sont pas à la hauteur des nouvelles dispositions
contenues dans la Constitution dans l’exercice de leurs fonctions alors
qu’elles sont dans l’obligation de présenter des avis consultatifs sur
l’amazighité. Ce qui prouve le non engagements des politiques publiques
concernant les dispositions de la Constitution et exige la mise en place des
lois organiques qui vont mettre fin à la marginalisation et l’exclusion sous
toutes leurs formes ;
Considérant
que la stabilité politique, qui est une condition sine qua non de tout
développement global et durable, ne peut se réaliser qu’à travers la
satisfaction de droits pour tous et toutes dans le cadre de l’égalité effective
devant la loi ;
Considérant
que toute loi organique susceptible d’être adoptée, ne peut répondre aux
attentes du peuple Marocain si elle n’est pas globale, efficace et fondatrice
des valeurs de droit, de justice et de respect de la différence et de la
diversité ;
Considérant
que la persistance du retard pris dans la protection et la promotion de
l’amazighité en termes de lois organiques qui lui sont relatives, porte
atteinte à la dignité de la Marocaine et du Marocain, en renvoyant aux
calendes grecques les lois organiques destinées à la mise en œuvre du statut
officiel de la langue amazighe et à la création du conseil national des langues
et de la culture Marocaine et les autres lois organiques.
Les
associations de la société civile des droits humains, des droits des femmes et
des coordinations des associations amazighes au niveau national, régional et
international, signataires de ce Mémorandum, déclarent ce qui suit :
Premièrement
en termes de principes et piliers généraux
1. Tous
les marocains et marocaines sont égaux en droits et en devoirs, ce qui fait
qu’il est impératif pour les politiques publiques de mettre fin à la
discrimination entre les deux langues officielles, arabe et amazighe, dans le
cadre du renforcement des stratégies nécessaires pour leur protection et leur
promotion,
2. La
personne marocaine a le droit de bénéficier de la connaissance scientifique et
spirituelle, littéraire, artistique et philosophique en langue amazighe ;
ainsi que la lutte contre l’analphabétisme dans cette langue, ce qui nécessite
l’institutionnalisation et la réhabilitation de la langue amazighe ainsi que la
fourniture de moyens modernes médiatiques dans ce sens,
3. Il
est du devoir de l’Etat de répondre à la revendication du citoyen marocain, de
lui fournir les conditions nécessaires pour l’investissement de ses compétences
dans la langue amazighe pour l’utiliser
et la développer et en faire l’un des principaux points de passage pour
l’exercice de ses fonctions;
4. La
langue amazighe officielle doit être incluse dans les différents secteurs de la
vie publique, selon la vision globale, en tenant compte du changement
concernant les imputations relatives à la discrimination, que ce soit dans
l’éducation, les médias ou d’autres domaines;
5. L’amazighe
indissociable du système des valeurs culturelles, fait partie intégrante de la
justice, de l’égalité et de la dignité, ce qui est un levier essentiel pour le
succès de la transition vers la démocratie dans notre pays, incontournable et lié étroitement au projet démocratique.
Deuxièmement,
en termes de limites requises dans les lois organiques relatives à l’Amazighité
Les
marocaines et les marocains attendent de ces lois organiques, en tant que
mesures procédurales pour construire l’État de droit, de respecter le minimum,
sans lequel ni la dignité humaine ni un développement global ne peuvent être
envisagés.
Considérant
donc, ce qui suit :
1.
Donner la
priorité au sein des lois organiques à la mise en œuvre du statut officiel de
la langue amazighe respectant sa primauté, et à toutes les autres lois
organiques stipulées dans la constitution.
2. Reconnaître
explicitement le fait que la langue amazighe et la langue arabe sont égales sous
diverses formes, communication et plaidoyer,
dans toutes les institutions de l’Etat et dans les différentes sphères
de la vie publique.
3. Renforcer
le bilinguisme officiel qui caractérise le Maroc dans les divers secteurs et
domaines de la vie publique.
4. Insister
sur le fait que la langue arabe et la langue amazighe sont dans l’égalité
d’accès aux ressources financières et humaines qualifiées dans divers domaines
et secteurs;
5. Créer
des institutions appropriées pour diriger et accompagner la mise en œuvre des
étapes des lois organiques relatives à l’amazighité dans les différents
ministères et secteurs gouvernementaux,
6. Renforcer
les acquis éducatifs et didactiques, en particulier ceux liés à la langue
amazighe standardisée, généralisée
horizontalement et verticalement, obligatoire dans tous les cycles, et
transcrite avec son alphabet originel « tifinagh » ; création
des départements et des filières, mise en place des spécialisations et des
formations dans les différentes universités et facultés, les centres de
formations et les divers instituts nationaux avec des programmes conformes à la
constitution en particulier ceux liés à reconsidération de l’enseignement de
l’histoire du Maroc selon une nouvelle lecture scientifique et objective;
7. Délimiter
des échéances précises et prévoir une planification, dans un délai raisonnable
avec des normes efficaces dans tous les secteurs gouvernementaux et
semi-publics, afin de mettre en œuvre le statut officiel de la langue amazighe
et d’évaluer son application.
Troisièmement,
en termes de besoin
Suite
à tout ce qui précède, nous vous demandons de prendre toutes vos
responsabilités conformément à ce que vous dicte votre devoir envers la
constitution, dans le cadre des missions officielles qui vous ont été assignées
, et d’œuvrer à la participation des associations de la société civile actives
dans les domaines de la défense des droits linguistiques et culturels et son
implication, lors de toutes les étapes de l’avancement de la loi, et ce afin de
progresser vers la construction de l’état de droit et la réussite d’une
transition pacifique vers la démocratie.
Rabat, le 26 -10 – 2015