Dans le cadre de ses fonctions visant à promouvoir et à protéger les droits humains et les droits des peuples tels qu’ils sont statués dans les conventions internationales des droits de l’Homme liés à ses attributions, le Bureau Fédéral de la Fédération Nationale des Associations Amazighes au Maroc a reçu deux plaintes de deux citoyens Amazighs: M. A.L.K et M. B.K.M, selon lesquelles les deux citoyens ont fait l’objet de représailles, de détention arbitraire, d’humiliation et d’atteinte à leur dignité et à leur liberté de croyance religieuse par la police administrative et judiciaire -Gendarmerie Royale- en place à la zone « Al Arjate » dans la ville de Salé-Rabat le soir du 10 mars 2016 pour le premier, et le 6 mars 2016, à l’entrée de la ville, « Guelmim » , cette fois par la police, pour le second.
Les deux plaintes mentionnent par ailleurs que les deux citoyens marocains concernés adoptent, de leur propre gré, la religion chrétienne en conformité avec ce qui est statué dans les chapitres 17 et 18 de la Convention Internationale sur les Droits Civils et Politiques, ainsi que dans le premier paragraphe du chapitre 24 et le chapitre 25 de la Constitution de juillet 2011 et dans la Déclaration concernant l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination sur la base de la religion ou de la conviction, qui a été adoptée conformément à la résolution n°36/55 de l’Assemblée Générale, le 25/11/1981.
La première plainte souligne également que le premier plaignant a été maltraité et de façon dégradante par la Gendarmerie de la zone « Al Arjate », et que son interrogatoire s’est transformé en un véritable tribunal d’Inquisition religieuse, du fait que ses interrogateurs se sont attribués le rôle des Muftis, après l’avoir accusé d ‘ «apostasie» et qu’ils lui déclaré ouvertement qu’ils allaient » le convertir du christianisme » et « le reconvertir à l’islam, religion d’Etat », selon leurs propres propos.
Par conséquent et compte tenu de la gravité des deux événements, qui constituent en eux-mêmes une éventuelle menace à la vie, à l’intégrité physique et à la sécurité personnelle des deux plaignants -surtout que dans le cas de la ville de Salé les deux gendarmes ont délibérément et ouvertement déclaré la croyance du plaignant devant tous les voyageurs à bord du bus où il a été appréhendé- nous, le Bureau Fédéral de la Fédération Nationale des Associations Amazighes, notons et soulignons ce qui suit:
1– que ce qui est arrivé dans les deux villes à la fois est, à nos yeux, une violation grave du droit à la croyance garanti et protégé dans le cadre des textes des accords relatifs aux droits civils et politiques ratifiés et signés par le Maroc, de ce qui est statué dans le texte constitutionnel qui s’y réfère explicitement ainsi que dans le Code (Déontologique) de Conduite des Fonctionnaires chargés de l’application des lois ;
2– que le fait que des Marocains changent leur religion et en embrassent d’autres, de leur propre gré, n’est pas un crime en Droit marocain ;
3– que le fait que la police administrative et judiciaire s’approprie dans les deux villes le rôle des prédicateurs religieux et celui de Muftis est en soi une usurpation d’identité et une atteinte préjudiciable à ses attributions et à ses prérogatives et que la déclaration publique de la foi intime du premier plaignant par la gendarmerie de la zone « Al Arjate » constitue la cause d’une véritable menace à la vie du concerné, à sa sécurité physique et à sa sûreté personnelle ;
4– que l’arrestation, la détention et l’interrogatoire qu’ont endurés les deux plaignants ont été exécutés de façon illégale, en dehors du cadre de la justice, et constituent une violation flagrante de la législation internationale en la matière ainsi que des dispositions de l’article 23 de la Constitution ;
5– que l’utilisation de l’autorité afin de proscrire ou d’imposer une croyance sur les citoyens est un crime punissable conformément aux dispositions de l’article 220 et 221 du Code Pénal marocain, comme elle s’inscrit, tant du point de vue forme que fond, à l’encontre de la liberté et du droit à la croyance.
6– l’incident en lui-même constitue une véritable régression du Maroc en matière de soutien des efforts visant à consacrer le pluralisme religieux, culturel et linguistique, et un recul par rapport aux engagements constitutionnels.
En conséquence, nous, Bureau Fédéral de la Fédération Nationale des Associations Amazighes au Maroc, proclamons et déclarons:
- 1. notre condamnation du comportement de la police mentionnée ci-dessous et notre indignation face à ce qu’ils ont fait et déclaré ouvertement, que nous considérons comme allant à l’encontre des dispositions des chapitres 17, 18 et 27 de la Convention Internationale sur les Droits Civils et Politiques, ainsi qu’à l’encontre du premier paragraphe du chapitre 24 et du chapitre 25 de la Constitution de juillet 2011, ainsi que du Code de Conduite (déontologique) des fonctionnaires chargés de l’application des lois ;
- 2. nous demandons d’ouvrir une enquête judiciaire conséquente, avec tout ce que cela implique, sur ce qui est arrivé, à fin d’éviter que ce qui est arrivé se reproduise ;
- 3. d’élaborer et de mettre en œuvre un programme d’urgence pour la formation et le soutien des compétences et des qualifications des fonctionnaires chargés de l’application de la loi, y compris les femmes et les hommes de la police administrative et judiciaire, en matière des droits de l’Homme et des droits des peuples ;
- 4. d’arrêter ce processus de restrictions imposées sur l’intimité et la vie privée des citoyens et citoyennes et de garantir le respect de leur liberté de croyance et du choix qu’ils en font de leur propre gré.
Bureau fédéral des associations amazigh au Maroc
Le coordinateur Arehmouch Ahmed
Rabat Maroc le 18 Mars 2016