A l’attention de :
M. Rachid TALBI ALAMI, Président du Parlement marocain,
Mme Bassima HAKKAOUI, Ministre de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social,
Mme Fatna LKIHEL, Présidente de la Commission des affaires sociales du Parlement marocain,
M. Ouadia BENABDELLAH, M. Abdellah BOUANOU, M. Belassal CHAOUI, M. Mohamed EL AARAJ, Mme. Milouda HAZEB, M. Driss LACHGUAR, M. MHamed LAASSAL, M. Nourddine MOUDIAN et M. Rachid ROUKBANE, Présidents des groupes parlementaires,
La Commission parlementaire chargée des législations au Maroc.
Objet : Projet de loi relatif à l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination
Bruxelles, le 15 mars 2016
Mesdames, Messieurs,
La réforme constitutionnelle de juillet 2011 a réaffirmé le choix irréversible du Maroc de construire un Etat de droit, démocratique et moderne. Le Royaume s’est engagé à souscrire aux principes, droits et obligations énoncés dans les chartes et conventions internationales relatives aux droits humains tels qu’ils sont universellement reconnus. En proposant notamment une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD), le Maroc agissait en pionnier dans le monde arabo-musulman. Malheureusement, près de cinq années ont passées, et de nombreuses dispositions constitutionnelles restent à appliquer, dans les textes et dans la pratique. Quant au projet de loi relatif à l’APALD, il manque d’ambition.
En effet, la mouture du projet de loi de l’APALD, telle qu’elle est soumise au parlement, fait de l’APALD une institution dépourvue de toute garantie d’indépendance, dénuée des attributions qu’elle devrait remplir comme institution nationale de protection et de promotion des droits de l’Homme, en vertu des articles 19 et 164 de la Constitution et des Principes de Paris.
Dans ce contexte, notre réseau et ses membres marocains, l’Association ADALA, l’association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et l’organisation marocaine des droits humains (OMDH), vous prie de réviser en profondeur le projet de loi actuel, en veillant à respecter à la fois le but qui préside à la mise en place de l’APALD, les dispositions constitutionnelles, les engagements internationaux du Maroc en matière des droits des femmes ainsi que les normes internationales en vigueur, notamment les principes de Paris qui régissent le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’Homme.
Il est essentiel aussi que cette révision prenne en considération les différents avis émis par les parties prenantes, notamment les propositions des associations démocratiques de défense des droits des femmes ainsi que les institutions nationales comme le Conseil national des Droits de l’Homme (CNDH) et le Conseil économique social et environnemental du Maroc (CESE).
Afin de concrétiser véritablement le rôle constitutionnel de l’APALD, le projet de loi 79-14 gagnerait à être introduit par un préambule définissant concrètement le cadrage et les principes fondateurs de l’autorité, et son rôle dans la lutte contre la discrimination et la réalisation de la parité tel qu’il est stipulé par la Constitution. Réciproquement, les définitions universelles précises de la discrimination et ses différentes formes ainsi que les concepts de parité et d’égalité seront détaillés dans le texte pour assurer leur meilleure protection.
Pour être la plus effective possible, EuroMed Droits considère qu’il est indispensable que l’APALD soit dotée d’un mandat étendu en matière de protection et de promotion des droits humains des femmes, de renforcer ses rôles et de lui conférer des compétences consultatives – qu’elle soit saisie ou par auto-saisine. L’APALD doit se voir également attribuer des compétences en matière de veille et de suivi, des pouvoirs à caractère quasi-juridictionnel, ainsi que des attributions en matière de promotion de la culture de l’égalité, d’éducation et de de sensibilisation. Seules ces exigences lui permettront d’influer de manière effective sur les politiques publiques.
Enfin, l’on veillera à assurer l’indépendance et l’autonomie de l’Autorité. L’APALD doit rassembler une équipe de travail restreinte et efficace pour disposer in fine d’une véritable expertise en matière d’égalité et de parité… ce qui est bien loin de la logique de la représentativité proposé dans la mouture actuelle avec douze des seize membres nommés par le chef de gouvernement.
EuroMed Droits reste à votre entière disposition pour toute information complémentaire relative aux enjeux et recommandations précités.
En vous remerciant par avance de l’intérêt que vous réserverez au présent courrier, nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de notre très haute considération,
Michel Tubiana,
Président d’EuroMed Droits