Depuis le vendredi 26 mai 2017, une vague de répression, accompagnée par des arrestations massives, s’est abattue sur la ville d’Al-Hoceïma en particulier, et s’est étendue à d’autres parties du Rif. Ces derniers jours, l’élan de solidarité et de contestation touche toutes les régions du Maroc, où des manifestations pacifiques sont dispersées avec violence.
Ce mouvement populaire est né à la suite du décès de Mouhcine Fikri (mort broyé, le 28 octobre 2016), qui tentait de sauver sa marchandise jetée arbitrairement par la police dans un camion-poubelle.
Cette attitude est symptomatique, et à l’opposé, des grands discours sur le développement, la bonne gouvernance, la démocratisation, l’égalité, la lutte contre les corruptions, bref contre l’avènement d’un Etat de droit.
Pour rappel, la région du Rif a été complètement délaissée pendant des décennies par le Makhzen et l’Etat central. Elle a été exclue de tous les projets de développement que le Maroc a connus depuis plus d’un demi-siècle, et ce, à l’instar des régions du Maroc dit « inutile » par opposition à un Maroc supposé « utile ».
Bien que cette politique ait sensiblement changé depuis quelques années, il n’en reste pas moins que la région du Rif est en manque de tout : infrastructures routières, hôpitaux, écoles supérieures, emplois (taux de chômage des plus élevés du pays). Le Haut-Commissariat au Plan (2012) relève que 63% de la population d’Al Hoceima n’exerce aucune activité économique, que dans la région 52% de la population est analphabète – ce qui fait que l’écart avec d’autres régions s’est cruellement creusé. A cela s’ajoute, comme dans l’ensemble du pays, une corruption endémique.
Devant cette situation, le mouvement qui secoue la région depuis la mort de Fikri a toujours été pacifique, et les protestataires réclament essentiellement des mesures socio-économiques pour désenclaver leur région et permettre à sa population de vivre dans la dignité.
Face à ces revendications légitimes, l’approche de l’Etat marocain a été, dans un premier temps, conciliante afin de calmer l’ardeur des revendications, notamment par l’annonce fort médiatisée d’une série de projets de développement pour la ville d’Al-Hoceïma.
Par ailleurs l’Etat, comme à son habitude, n’a pas manqué de lancer une campagne médiatique de dénigrement du mouvement et de ses leaders. Ainsi, le principal responsable, Nacer Zefzafi, vient d’être arrêté ce lundi 30 mai ainsi que plusieurs autres militants de ce mouvement. Ils sont accusés « d’atteinte à la sécurité intérieure », « d’incitation à commettre des délits et des crimes », « d’humiliation de fonctionnaires publics » et « d’hostilité envers les symboles ». Dans un second temps, ce sont les manifestations de soutien au mouvement qui sont réprimées.
Nous, associations et organisations de la société civile maghrébine en Europe, tout en exprimant notre totale solidarité et notre soutien au mouvement social dans la région du Rif, exigeons :
– la libération sans conditions de toutes les personnes arrêtées dernièrement et l’abandon de toutes les charges à leur encontre ;
– la fin de la chasse aux militants du Hirak et de la répression des manifestations ;
– la mise en place d’un réel projet de développement socio-économique capable de sortir la région de son isolement, de créer de l’emploi, de scolariser la jeunesse dans des conditions décentes, de promouvoir la spécificité linguistique et culturelle, et de désenclaver la région sur le plan sanitaire et social ;
– la satisfaction aux revendications légitimes de ce mouvement.
Enfin, nous condamnons :
– l’utilisation de la religion et des mosquées comme outil politique à l’encontre des mouvements sociaux : en effet, lors de son prêche de vendredi dernier, l’imam de la ville d’Al-Hoceïma a reproché aux manifestants d’encourager la fitna [la discorde] – une accusation très grave ;
– les tentatives de décrédibilisation du mouvement associatif démocratique ;
– la désinformation systématique du mouvement social du Rif par les médias officiels.
Nous appelons l’ensemble des forces démocratiques à manifester leur solidarité et leur soutien au mouvement social du Rif, aussi bien au Maghreb, en Europe, qu’à travers le monde, le mercredi 7 juin 2017, sous les différentes formes d’expression pacifiques appropriées à chaque pays.
Premiers signataires :
– Association des Marocains en France (AMF)
– Association des Travailleurs Maghrébins en France (ATMF)
– Association Na’oura – Belgique
– La plateforme Euro-Marocaine – MDDC)
– Réseau Marocain Transnational Migration & Développement (EMCEMO)-Pays-Bas
– Immigration Développement Démocratie (IDD)-France
– Association démocratique des Tunisiens en France (ADTF)
– AIDDA
– Collectif 3C – Citoyenneté et Culture
– Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)
– Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR)
– Réseau Euro-Maghrébin Citoyenneté et Culture (REMCC)
– Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA)
– Association des prisonniers et disparus sahraouis (AFAPREDESA)
– Comité pour le respect des libertés au Sahara occidental (CORELSO)
– Association des Tunisiens en France (ATF)
– Fondation Aknarij d’Amsterdam
– Association El Ghorba
– Association des Tunisiennes et Tunisiens de Suisse (ATTS)
– Comité de vigilance pour la démocratie en Tunisie – Belgique (CVTD)
– Mouvement citoyen des Tunisiens en France (MCTF)
– APEL-Egalité
Avec le soutien de :
– ATTAC
– Cedetim
– Droits Devant
– Europe solidaire sans frontières (ESSF)
– Euromed Droit (REMDH)
– Initiatives pour un autre monde (IPAM)
– Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP)
– Solidaires SUD
– Sortir du colonialisme
– SOS Migrant-ASBL Belgique
– No Vox International
– Union juive française pour la Paix (UJFP)
– Ensemble
– Europe Ecologie Les Verts (EELV)
– Nouveau parti anti-capitaliste (NPA)
– Parti communiste français (PCF)
Sanhadja Akrouf
Hichem Abdessamad
Hafedh Affes
Mourad Allal
Tewfik Allal
Jean-Claude Amara
Idder Arsala
Jean Bellanger
Boualem Azahoum
Mohamed Bazza
Tarek Ben Hiba
Ali Bensaad
Mohamed Ben Said
Nabil Challal
Mohammed Chaouih
Souad Chaouih
Milouda Chaqiq
Hedi Chenchabi
Ahmed Dahmani
Bernard Dreano
Mohsen Dridi
Fethi El Hadjali
Driss El-Kherchi
Aissa Kadri
Mohamed Lakhdhar Ellala
Driss El Korchi
Patrick Frabiaz
Jacques Fath
Jacques Gaillot
Moncef Guedouar
Taoufik Hamdi
Mohamed Hamrouni
Mohammed Harbi
Abdellatif Laabi
Gilles Lemaire
Renée Le Mignot
Gilles Manceron
Gustave Massiah
Jalel Matri
Gilbert Meynier
Aziz Mkechri
Bachir Moutik
Nourredine Saadi
Fatiha Saidi
Nordine Saïdi
Noureddine Senoussi
Brahim Senouci
Tarek Toukabri
Mohammed Yakoubi
Chedli Zaidi
Abdallah Zniber